A tout seigneur, tout honneur, il était impensable d’écrire l’histoire des unités aériennes les plus prestigieuses en commençant par une autre que le Groupe de Chasse 1/2 « Cigognes ».
Tout d’abord en raison de son ancienneté… le Groupe est composé de 3 escadrilles dont l’histoire remonte au début du vingtième siècle, peu avant la « grande » guerre… celle de 14-18.
Ensuite, en raison des as qui en écrivant leur histoire personnelle, souvent tragique, ont forgé le mythe de s As de la chasse.
Enfin, parce que c’est là que j’ai été affecté lorsque jeune pilote sortant d’école, j’ai connu mes premiers émois de chasseur aux yeux bleus…c’est un peu égocentré, mais c’est moi qui écris…
Le groupe de chase 1/2 « Cigognes » est créé en 1933. Pourtant, son histoire est plus ancienne puisque c’est en 1912 qu’est créée l’escadrille BL 3 à Avord, terrain d’aviation proche de Bourges. En ce temps, les escadrilles étaient nommées en fonction de l’avion dont elles étaient majoritairement équipées…BL 3 car l’escadrille est équipée de Blériot XI 2, une évolution du modèle qui avait rendu son créateur célèbre en réussissant la traversée de la Manche.
Le camp d’Avord et un Blériot XI
Ainsi, c’est sur Blériot XI 2 que la BL 3 débute la guerre en 1914. Elle n’est pas encore une unité de chasse. Le Blériot XI fait essentiellement des missions de reconnaissance et des « missions spéciales » qui consistent à se poser chez l’ennemi, à déposer un agent de renseignement ou du matériel puis à déguerpir. Vedrines en est le grand spécialiste…il forme d’ailleurs dès 1915 à ce genre de missions un jeune caporal nommé Guynemer.
Pourtant, c’est pour une toute autre raison que l’année 1915 marque un tournant pour l’histoire du « Groupe » : l’escadrille devient en effet la MS 3 car elle vole désormais sur Morane Saulnier type L.
Le Morane Saulnier type L
C’est sur cet avion que l’escadrille prend résolument à son compte les missions de chasse sous l’énergique impulsion de son jeune chef, le Lieutenant Brocard. Cet officier « à l’ancienne » transforme son unité, transcende ses pilotes et obtient d’être équipé du « bébé » Nieuport X et XI très adapté à la reine des missions…La chasse !
Essai de conduite de tir…sur MS type L
Début 1916, les allemands ont avancé sur Verdun et tiennent le ciel. La N 3 prend un grand rôle dans le renversement de la situation. Le Nieuport XI fait des merveilles, les allemands sont chassés du ciel…mais au prix de lourdes pertes.
La N 3 voit ses effectifs reconstitués et sert de base à la création du « Groupe de combat de la Somme » bientôt rebaptisé « Groupe de chasse 12 » commandé par Brocard. Les escadrilles décimées N 103 et N26 ainsi que 3 autres rejoignent temporairement la N 3…C’est la première fois que les pilotes de N 3, 103 et 26 volent au sein d’une même unité.
C’est aussi à cette période que Brocard choisit la Cigogne comme emblème…en raison du retour du volatile à chaque printemps nous dit la légende…chaque escadrille choisit une Cigogne qui sera peinte sur tous les avions de l’unité. Brocard choisit la Cigogne « Ailes basses » qui est toujours arborée par les pilotes de l’escadrille. La N103 choisit une cigogne « ailes hautes », également appelée « cigogne de Fonck » alors que la N 26 choisit un volatile aux ailes déployées. Les 3 escadrilles ne se quitteront plus jusqu’à la fin de la guerre et forment le noyau dur du Groupe de Chasse 12.
Le Groupe se couvre de gloire définitivement après son passage sur avions SPAD en prenant au passage l’appellation qu’elles conserveront de SPA 3, 103 et 26… Voyez les palmarès :
– La SPA 3 cumule 175 victoires et 204 probables, elle laisse surtout un nom « Guynemer » dont les militaires de l’Armée de l’Air et de l’Espace portent toujours le deuil en arborant une cravate noire sur leur uniforme Bleu.
Guynemer pose devant le “vieux Charles”
- La SPA 103 obtient 106 victoires et 86 probables dont 75 pour le seul René Fonck.
- La SPA 26 termine la grande guerre avec 54 victoires et 76 probables.
En 1919, les 3 escadrilles formant le Groupe de chasse 12 sont rattachées à la 2ème escadre de chasse créée quelques mois plus tôt.
Entre 2 guerres, divers déplacements agrémentent la vie des escadrilles. La 2ème escadre de chasse est désormais scindée en différents groupes, dont le premier, composé de la SPA 3 et la SPA 103 qui ne se quitteront plus. On parle alors du Groupe de Chasse 1/2 « Cigognes ».
Pendant la drôle de guerre, le 1/2 est formé en toute hâte sur ses nouveaux avions : Les Morane Saulnier (MS) 406…et tient tête à la Luftwaffe en remportant 28 victoires…il faut avoir lu le journal de marche et d’opérations du groupe pour comprendre la frustration des pilotes de l’escadrille pendant cette période…colère contre les décisions politiques, les ordres des Etats-majors, contre la CGT qui sabote les hélices dans les usines, ce qui entraîne la destruction des moteurs…Bref, l’armistice signée par Pétain entraine la dissolution du Groupe…qui sera reconstitué un peu plus tard sur DEWOITINE 520 et dont les pilotes rejoindront les Forces Aériennes Françaises Libres après leur transfert en Afrique du nord. La guerre se termine sur SPITFIRE au sein du 329 SQUADRON aux côtés du groupe « Alsace », premier escadron FAFL.
Spitfire du 329 SQN
Peu après, en 46-47, le Groupe participe, toujours sur Spitfire aux opérations en Indochine et y gagne la Croix de guerre TOE (théatre d’opérations extérieures).
En 1949, c’est l’installation pour de nombreuses années de la « 2 » à Dijon. C’est la première escadre à voler sur avions à réaction (le Vampire).
1956 voit la 2 engagée sur les opérations de Suez. Elle vole alors sur Mystère IV après une brève période sur Ouragan. Les pilotes du 1/2 « Cigognes » volèrent quelque temps avec des étoiles de David peintes par dessus les cocardes françaises depuis les bases Israéliennes !
Mystère IV français avec cocarde Israélienne et immatriculation grossièrement camouflée
Après Suez, la guerre froide s’installe et le 1/2 découvre les joies du vol à plus de 2 fois la vitesse du son grâce au MIRAGE III qu’il est le premier à mettre en oeuvre en 1961.
En 1984, c’est à nouveau le 1/2 qui à l’honneur de recevoir les premiers MIRAGE 2000C RDM. Celui-ci sera changé en 1998 pour le Mirage 2000-5 qui équipe toujours le 1/2 « Cigognes » aujourd’hui.
2 MIRAGE 2000-5 en maraude
Photo Armée de l’Air
Enfin, en 2008, la SPA 26 rejoint le groupe et remplace la SPA 12, rattachée de façon relativement éphémère au 1/2 en 1994.
En 2011, le groupe quitte Dijon et la Bourgogne pour les vertes contrées de Luxeuil les bains…
L’insigne actuel du groupe.
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