Lorsqu’une unité aérienne française est dotée d’une appellation différente du réglementaire « Escadron de Chasse », c’est souvent que l’histoire de l’unité est suffisamment extraordinaire pour le mériter. Il en est ainsi du Groupe de Chasse des Cigognes dont l’histoire est contée ici. C’est également le cas du Régiment de Chasse Normandie Niemen.
Création :
Lors de la seconde guerre mondiale, après la défaite française et l’instauration de l’Etat français à Vichy, le Général De Gaule a choisi de former un gouvernement et de continuer à luter aux côtés des alliés depuis Londres. Lorsque Hitler attaque l’Union Soviétique, rompant de fait le pacte de non agression germano-soviétique, les alliés pensent comme Hitler que les russes vont s’effondrer rapidement. Ce n’est pas l’avis de De Gaule qui souhaite participer aux combats dans l’est (ayant besoin de reconnaissance internationale, il saisit ainsi l’occasion qui lui est donnée de nouer des relations avec un pays qui vient de renvoyer tous les diplomates de Vichy). Il décide de créer une unité des Forces Aériennes Françaises Libres : Le groupe de Chasse n° 3. Le premier commandant du groupe, Joseph Pouliquen propose le nom de la région Normandie. (l’Alsace et L’ile de France constituaient les GC1 et 2). Le groupe est composé de 3 escadrilles : « Rouen », « Le Havre » et « Cherbourg ».
Insigne du « Normandie »
14 pilotes et 58 mécaniciens débarquent donc le 29 novembre sur la base d’Ivanovo au nord de Moscou via le Liban, l’Irak et l’Iran. L’entrainement débute sur l’avion choisi par les pilotes français, le Yak…alors que des avions anglais et américains étaient proposés…ce qui va droit au coeur de leurs hotes. Des mécaniciens soviétiques (une douzaine) rejoignent l’unité. Au mois de mars 1943, le « Normandie » est jugé apte à rejoindre le front. C’est la seule unité occidentale qui se bat aux côtés des russes pendant toute la durée de la guerre.
Mécaniciens français au travail sur un YAK
Les campagnes
Le premier engagement du « Normandie » se fait aux côtés de la Première Armée Soviétique. Les pilotes français, adroits et audacieux remportent rapidement leurs premières victoires et deviennent des exemples pour les autres un cités aériennes engagées.
Le prestige que gagnent les pilotes français est tel que le Maréchal Allemand Keitel ordonne de fusiller sans autre forme de procès tout pilote français qui serait capturé…
L’état d’esprit des pilotes, leur courage et leur habileté impressionnent les russes. Leur gout pour les histoires romanesques ne peut que les faire apprécier : Tulasne, nouveau commandant du Groupe, déclaré mort depuis 1940 par le gouvernement de Vichy après avoir simulé un accident pour rejoindre Londres ! Véritable meneur et combattant acharné. Il effectue près de 100 missions en volant parfois 3 fois dans la journée…il est abattu et meurt au combat.
Jean Tulasne à bord de son YAK
La Pravda, organe de presse du Parti communiste publie en juin 43 les noms des pilotes français décorés pour leur bravoure et le 14 juillet le drapeau français est honoré par l’Armée russe devant les pilotes français.
Le rôle joué par le « Normandie » dans la bataille qui permet aux russes de franchir le fleuve Niemen est tel que Staline ajoute le nom de « Niemen » comme il est de tradition dans les rangs soviétiques…le Normandie Niemen prend son nom définitif et devient un Régiment.
Plus tard, c’est le sacrifice du Lieutenant De Seyne qui scelle à jamais l’amitié franco-russe. Victime d’une fuite de carburant qui l’empêche de voir devant lui, incapable d’atterrir, De Seyne se voit ordonné de sauter en parachute. Il refuse. Son mécanicien russe, Bielozub n’est pas équipé de parachute. L’abandonner à bord serait le condamner à une mort certaine. De Seyne continue donc à tenter un atterrissage en aveugle, jusqu’a s’écraser et mourir avec son mécanicien. Staline ordonne alors d’enterrer les 2 hommes côte à côte. L’énorme retentissement de ce sacrifice est toujours aujourd’hui enseigné dans les écoles russes comme symbole du lien indéfectible entre les 2 pays.
Le 16 octobre 1944, le groupe réalise une journée exceptionnelle. Elle symbolise la fougue du Régiment : 100 sorties réalisées, 29 victoires aériennes, aucune perte…éloquent !
Le 27 novembre, le Normandie Niemen est a première unité non russe à se poser en Allemagne et le 9 décembre De Gaule accueille et félicite les pilotes à Moscou en compagnie de Staline.
Une fois l’armistice signée, le 9 juin 1945, Staline décide qu’il serait injuste de désarmer une unité qui a autant donné pour la victoire…il offre les avions aux français qui rentrent à Paris à bord de leurs YAK.
Pourquoi NEU-NEU ?
Le régiment de Chasse Normandie Niemen est affectueusement appelé le Neu-Neu. Etrange !
La raison en est assez simple : Normandie Niemen, c’est un peu long et rapidement, on y a fait référence en employant le sigle NN, notamment à l’écrit. Mais à l’oral, NN, c’est encore un peu long et peu facile à prononcer de façon « fluide ». Or, une expression française (aujourd’hui en voix de disparition) utilise le terme de Neu-Neu, plus facile à prononcer : Cette expression, c’est « la fête à Neu-Neu ». Elle est utilisée pour décrire des situations chaotiques et peu organisées…le bazar quoi ! L’esprit moqueur qui règne en maitre dans les unités de chasse françaises a fait le reste…le Normandie Niemen, c’est le Neu-Neu !